Les roches ignées
Les magmas originent tous du manteau. Les roches magmatiques, issues de la cristallisation des magmas, devraient donc avoir toutes la même composition. Ça n'est pas le cas. Pourquoi? Pour bien répondre à cette question, il est essentiel de connaître deux processus importants: la cristallisation fractionnée et la fusion partielle.
La cristallisation fractionnée.
Comme on l'a vu plus haut, la cristallisation fractionnée, c'est-à-dire le fait que la cristallisation des silicates dans un magma se fasse dans un ordre bien défini, selon la suite réactionnelle de Bowen, produit des assemblages minéralogiques différents : ultramafiques, mafiques, intermédiaires et felsiques. Ces quatre assemblages définissent quatre grands types de roches ignées.
Le nom des roches ignées.
L'assemblage ultramafique donne lieu à une roche particulière, composée presqu'exclusivement d'olivine, avec un peu de pyroxènes, une roche très peu abondante à la surface même de la terre, la péridotite. Cette dernière constitue principalement le manteau. L'assemblage mafique donne des basaltes ou des gabbros, des roches qui sont riches en pyroxènes et en feldspaths plagioclases calciques, avec possiblement une petite quantité d'olivine ou d'amphiboles. L'assemblage intermédiaire constitue les andésites et les diorites. Ce sont des roches composées d'amphiboles et de feldspaths plagioclases dont le contenu en calcium et sodium est intermédiaire entre les deux pôles, avec possiblement un peu de quartz et de biotite. Pour sa part, l'assemblage felsique fournit des rhyolites et des granites dont la composition principale est le quartz, le feldspath potassique et le feldspath sodique, avec un peu de micas comme la biotite et la muscovite.
Le tableau qui suit présente de façon un peu plus précise que la figure précédente la composition des roches ignées.
La fusion partielle.
Le processus de fusion partielle est en quelque sorte l'inverse du processus de cristallisation fractionnée. Si on augmente progressivement la température d'un matériel solide composé d'un assemblage de minéraux silicatés, cet assemblage passe entièrement ou partiellement de la phase solide à la phase liquide. Pourquoi partiellement? Parce que, comme dans le cas du refroidissement d'un magma où tous les minéraux ne cristallisent pas tous en même temps, ceux-ci ne fondent pas non plus tous en même temps lorsqu'ils sont chauffés. A une pression donnée, le point où un minéral passe de sa phase solide à sa phase liquide est sa température de fusion (qui est la même que la température de cristallisation; une question de point de vue). Si on augmente progressivement la température d'un assemblage solide de silicates, les premiers minéraux à fondre sont les minéraux de basse température, ceux qui se situent au bas de la suite de Bowen, c'est-à-dire, le quartz, les feldspaths potassiques et sodiques, et la muscovite. La fusion n'est alors que partielle, puisqu'on obtient un mélange de solide et de liquide, une sorte de "sloche" (nos amis français diraient gadoue). Dans ce cas-ci, la phase liquide possède une composition felsique (quartz, feldspaths potassique et sodique, muscovite), alors que la phase solide est composée de cristaux de plagioclase calcique, de biotite, d'amphibole ou de pyroxène, selon la composition du solide originel. Si ce liquide est extrait du mélange et remobilisé (introduit le long de fractures ou dans une autre chambre par exemple), ce magma felsique formera, en cristallisant, des rhyolites ou des granites, selon qu'il atteigne la surface ou demeure à l'intérieur de la croûte. Avec une augmentation de la température, les plagioclases de calcicité intermédiaire, les biotites et les amphiboles seront à leur tour fondus et produiront un magma intermédiaire; et ainsi de suite pour les autres minéraux, jusqu'aux olivines, si évidemment le mélange silicaté originel en contenait.
On voit bien ici le principe de la fusion partielle : à mesure de l'augmentation de la température, il se produit une séparation en deux phases, une phase liquide et une phase solide, le tout formant une sorte de sloche, soit des cristaux solides qui baignent dans un liquide. Il est important de comprendre ici que la composition des phases solides et liquides change au fil de l'évolution thermique de la sloche. Le liquide peut être extrait de la sloche et remobilisé par des processus naturels à n'importe quel stade de l'évolution thermique, ce qui fait qu'on obtiendra des magmas de composition variées et partant des roches ignées de compositions variées.
Voyons comment tout cela s'applique dans les principales zones où il y a du magmatisme, soit aux dorsales océaniques, dans les zones de subduction et aux points chauds.
Le magmatisme de dorsale et la séquence ophiolitique.
Les dorsales océaniques sont des zones très importantes où agit le magmatisme; la lithosphère océanique s'y regénère perpétuellement. Il se fait une fusion partielle du manteau sous la dorsale à cause de la concentration de chaleur due à la convection. Il s'agit d'une fusion de péridotite. Comment peut-on affirmer qu'il s'agit d'une fusion partielle de péridotite et conclure en conséquence que le manteau est composé de péridotite, puisqu'on n'a pas encore réussi à forer à travers le MOHO et qu'on ne possède donc pas d'échantillons du manteau actuel?
On a deux évidences indirectes.
La première nous vient des grandes chaînes de montagne plissées où on retrouve parfois des lambeaux de lithosphère océanique. A la base de ces lambeaux, il se trouve des péridotites, une évidence qu'il y avait des péridotites sous les croûtes océaniques anciennes.
La seconde évidence indirecte tient dans la composition même de la croûte océanique. Cette dernière se forme par la cristallisation d'un magma issu de la fusion partielle de la partie supérieure du manteau. Ce magma s'introduit, de manière plus ou moins continue, dans la croûte océanique, dans une chambre magmatique, une sorte de grande poche.
On voit ici que les processus magmatiques produisent une croûte océanique possédant des caractères particuliers qui s'expriment sous forme d'une séquence verticale. Sous la croûte océanique, il y a la péridotite du manteau supérieur, une roche ultramafique composée d'olivine et d'un peu de pyroxènes. Au-dessus, les roches de la croûte océanique sont mafiques, c'est-à-dire qu'elles sont composées de pyroxènes, d'un peu d'olivine et de plagioclase calcique. Comme elles ne contiennent pas de minéraux des assemblages intermédiaires et felsiques, on est forcé de conclure que le magma qui les a formées provient de la fusion partielle d'un matériau ne contenant pas ces minéraux qui auraient été les premiers à fondre et par conséquent à fournir des magmas intermédiaires ou felsiques. C'est là notre seconde évidence indirecte qui permet de conclure à un manteau de péridotite.
Dans le détail, la croûte océanique montre quatre zones, de bas en haut : d'abord, des cumulats lités ou stratifiés composés de gabbro, une stratification résultant de l'action combinée de la convection et de l'accumulation des cristaux de haute température à la base de la chambre magmatique; puis, des gabbros massifs issus de la cristallisation aux parois de la chambre magmatique; suit un complexe filonien, niveau caractérisé par les dykes et filons gabbroïques dus à la cristallisation dans les fractures de tension; finalement, au-dessus de la pile, les basaltes issus des épanchements volcaniques. Cette croûte océanique fait de 5 à 15 km d'épaisseur.
Les géologues appellent cette séquence, une séquence ophiolitique, ou plus sommairement, les ophiolites. On la reconnaît dans ce qu'on interprète comme des lambeaux de croûte ou de lithosphère océanique dans les chaînes de montagnes plissées anciennes, ce qui vient conforter cette interprétation. Puisqu'elle est le résultat de processus bien spécifiques et puisqu'on la reconnaît dans des chaînes très anciennes, elle permet de conclure que les chaînes de montagnes se sont formées à partir de matériel déposé sur des planchers océaniques formés selon des mécanismes semblables à ceux qui agissent aujourd'hui. Par exemple, on retrouve la séquence ophiolitique dans les roches de la région de Thetford Mines; la séquence a été étudiée par une équipe de géologues de l'Université Laval qui ont démontré qu'il s'agit bien d'un morceau du plancher de l'océan (Océan Iapétus) dans lequel s'est accumulé le matériel qui ultérieurement a formé la chaîne de montagnes des Appalaches.
Le magmatisme de zone de subduction : cas de l'arc insulaire.
On a vu dans la section 1 qu'il y a du magmatisme associé aux zones de subduction et que, dans le cas de collision de lithosphère océanique contre lithosphère océanique, il s'exprime par la formation d'un arc volcanique insulaire.
Le magmatisme de zone de subduction : le cas de l'arc continental.
Lorsqu'il y a collision entre lithosphère océanique et lithosphère continentale, il se forme un arc volcanique continental.
Le magmatisme de point chaud.
Le magmatisme de point chaud est responsable de la formation des volcans intraplaques, particulièrement des volcans intraplaques océaniques, comme ceux qu'on retrouve nombreux dans le Pacifique.
L'activité magmatique et ses produits.
La cristallisation de magma à l'intérieur ou à la surface de la croûte terrestre produit des corps magmatiques. Les trois blocs-diagrammes qui suivent illustrent les principaux corps magmatiques hérités de l'activité magmatique dans une région, et leur mise à nu au fil de l'érosion.
Le bloc-diagramme B résume la situation post-magmatisme, après que l'érosion ait commencé son modelage de la surface et enlevé une couche de matériaux. En surface, on aura divers corps extrusifs (on dit aussi volcaniques; du dieu du feu, Vulcain) : volcans ou plateaux de basaltes. Divers corps intrusifs (on dit aussi plutoniques; du dieu des enfers, Pluton) pourront avoir été mis à nu par l'érosion : laccolites, dykes, necks volcaniques. Les roches ignées étant plus résistantes à l'érosion que les roches sédimentaires encaissantes, les corps magmatiques auront tendance à former des reliefs positifs.
Le bloc-diagramme C présente la situation à un stade plus avancé d'érosion où ont été mis à nu les grands batholites, souvent granitiques.
Les volcans.
Regardons d'un peu plus près les volcans. Il existe plusieurs classifications plus ou moins détaillées des volcans, certaines insistant sur un aspect ou l'autre du volcanisme. Nous nous limiterons ici aux principales manifestations de ces appareils qui terrorisent les populations qui vivent à leur voisinage. En simplifiant, disons qu'il y a deux extrêmes: les volcans qui crachent des laves très fluides et ceux qui ont toutes les peines du monde à cracher la moindre lave. Pourquoi?
Pour former des champs de laves comme illustré plus haut, il faut que la lave puisse s'écouler aisément; en d'autres termes, il faut qu'elle soit fluide. Un facteur très important qui contrôle la fluidité d'un magma est son contenu en silice (SiO2). Un faible contenu en silice donne des magmas fluides, alors, qu'à l'autre extrême, un contenu élevé en silice augmente de beaucoup la viscosité des magmas qui ont alors peine à s'écouler. Les magmas mafiques contiennent peu ou pas de silice; ils sont donc fluides et produisent des laves qui s'écoulent facilement. Un magma felsique, riche en silice, a beaucoup de difficulté à s'écouler et forme très difficilement des laves. Ceci a une grande importance sur le comportement des volcans. Il y a donc des volcans à laves pauvres en silice (volcans-boucliers) et des volcans à alimentation magmatique riche en silice (stratovolcans). Et, il y a évidemment des intermédiaires entre ces extrêmes.
Chez le volcan-bouclier (qu'on dit aussi volcan tranquille), l'alimentation magmatique est mafique, contenant peu de silice, produisant des laves basaltiques. Ce type de volcanisme se manifeste aux dorsales océaniques, aux points chauds et possiblement associé à certaines zones de subduction.
Chez le stratovolcan (qu'on dit souvent volcan explosif), le magma est si riche en silice qu'il n'arrive pas à s'écouler hors du volcan. Ces volcans vont surtout cracher des gaz et du matériel pyroclastique. Ce sont de véritables terreurs. Puisque la lave ne parvient pas à s'écouler, les gaz qu'elle contient y construisent un pression qui va grandissante, jusqu'à l'explosion. Le matériel y est alors pulvérisé et, mélangé aux gaz, crée un nuage dense très chaud (jusqu'à 800° C) qui s'écoule très rapidement sur les flancs du volcan, à des vitesses dépassant les 150 km/h. C'est la nuée ardente qui sème la destruction. Il y a aussi des cendres qui sont éjectées dans la haute atmosphère, jusqu'à des altitudes d'une vingtaine de kilomètres et qui ensuite sont dispersées tout autour de la planète. Ce sont ces cendres qui causent des effets de voile importants et qui peuvent amener des abaissements de la température moyenne de la planète. Par exemple, 1816 a été l'année sans été en Amérique, à cause de l'éruption du Tambora en Indonésie qui est considéré comme le volcan ayant émis le plus de cendres volcaniques qui sont demeurées plusieurs années en suspension dans l'atmosphère; les journaux de l'époque nous disent qu'il a gelé en juin, juillet et août au Québec, et que toutes les récoltes furent perdues.
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